friendly reminder to grow more chamomile ft. basil
La rentrée arrive à grands pas, plus que quelques jours pour tout préparer et être fin prêt à accueillir tes élèves, nouveaux comme anciens. Onze ans que tu travailles ici déjà, onze ans que ta vie a changé de trajectoire. Et tu ne dévierais de cette route pour rien au monde.
Le matin est doux, le soleil déjà haut dans le ciel et ses pâles rayons s'incrustent timidement dans ta peau lorsque tu les traverses en passant d'un bac à plantes à l'autre. La serre tropicale, dont tu t'occupes ce matin, a bien besoin d'un bon coup de nettoyage. Il te faut retirer les feuilles mortes ces dernières semaines, t'assurer qu'aucun parasite n'a élu domicile à l'abris des tiges robustes et qu'aucune plante ne souffre. L'atmosphère humide, presque étouffante, qui règne ici ne te déplait pas, au contraire. L'eau s'évapore constamment et ruisselle sur les feuilles autant que sur ta peau moite, pourtant, cette sensation est loin d'être désagréable. Certes tu devras changer de chemise après, mais quand on peut la nettoyer d'un claquement de doigts, ça n'a rien de si contraignant.
Le cri strident et enroué d'Alastor te fait sortir la tête des longues feuilles de maranta dont tu inspectais les racines - elles ne sont pas encore prêtes à la récolte. Le héron est, comme souvent, posté sur le toit de la serre dans laquelle tu travailles. — Qu'y a-t-il mon ami ? Ta voix se hausse inutilement, tu connais déjà la réponse. Alastor t'a prévenu de l'arrivée de quelqu'un et à cette période de l'année, il y a peu de chance pour que ce soit un élève. De toute façon, le cri sec et perçant de ton familier signalait plutôt quelqu'un que tu connais bien. Frottant tes mains pleine de terre l'une contre l'autre et essuyant la sueur qui ruisselle sur ton front, tu te diriges à grands pas vers la porte de la serre sans oublier d'attraper ta bouteille d'eau en chemin. L'air frais de l'extérieur s'engouffre aussitôt et te fait frissonner. — Qui est là ? Ta voix s'élève au-dessus des bacs extérieurs remplis de fleurs sauvages cachant probablement ton visiteur. Sortant complètement de la serre, ton regard parcourt les alentours alors que tu vides d'une seule traite la totalité de ta bouteille dans ta gorge.
Tes cheveux mi-ébouriffés mi-collés par la sueur s'agitent avec le vent. Ton pantalon taché de boue est partiellement caché par ton tablier, tout aussi sale, dans lequel résident des outils allant du gros sécateur à la fine paire de pinces délicates. Tes pieds nus savourent la fraicheur et l'humidité de l'herbe courte bordant le chemin de terre tassée qui mène jusqu'à la bâtisse de verre et de fer forgé. Le soleil quant à lui, se dévoile de derrière un nuage et embrasse délicatement la peau de tes avant-bras ; cette petite pause à l'extérieur est la bienvenue.
Friendly Reminder To Grow More ChamomilleFt. Fraser Donnachaidh
Serres
Fin Août.
“C’est toi qui l’as tué.”, accusaient souvent les flammes de l’âtre de ma cheminée.
Il n’était pas rare que mes cauchemars me traitent de meurtrier de la pire espèce. Après tout, c’était vrai, même si tout le monde s’était accordé pour modifier la cruelle vérité. J’avais causé la mort de ma mère, même indirectement. Sa folie l’avait consumée, oui. Mais sans moi, peut-être que celle-ci n’aurait jamais pris feu.
Après cette accusation, les flammes m’engloutissaient toujours. Hestia me maudissait. Elles arrachaient tout ce qui m’était cher. Ce foyer que je m’étais construit. Foyer dont j’avais revu la définition. Mot que j’avais décortiqué et réassemblé pour coller au mieux à ce que j’avais. Focarius, “de feu”. J’avais davantage hérité de cet aspect-là que de celui qui désignait la famille, et le lieu autour duquel celle-ci se rassemblait pour des réjouissances conviviales.
Je me demandais souvent quand Hestia allait me maudire. Et pourquoi elle ne l'avait pas déjà fait. J'avais tué ma mère. Mon sang. Ma famille. Mon foyer.
Est-ce que Helianthus était mon foyer ? Oui. Aussi mielleux et niaiseux cette pensée puisse-être, c’était bien là, mon foyer. C’était là que je m’étais rapproché de mon père et de son monde. Ma scolarité avait été loin d’être parfaite, mais elle m’avait permis d’être loin de ma génitrice.
Celle que j’avais tué.
“Elle s’est donné la mort elle-même.”, tentais-je de me bourrer dans le crâne. “Je l’ai jetée par la fenêtre, elle s’est brisée les os. En bas, sur le trottoir.”
Le dire à l’oral en marmonnant devant mon miroir n’avait rien d’anormal. C’était mon thérapeute qui m’avait conseillé de le faire. Dire des faits. Et seulement des faits. Même si la dernière ligne était très accusatrice et toujours aussi désagréable.
Il fallait que je me détende. La chimie dans mon cerveau ne fonctionnait pas très bien, au naturel. Les traitements me permettaient de tenir sans vriller complètement vers l’incapacité mentale. Pourtant, rien n’était magique. Ce genre de phrase me faisait doucement rire. La magie ne permettait pas de soigner les troubles psychiatriques, alors que dans une moindre mesure, elle atténuait aisément les blessures.
C’était peut-être l’heure de m’essayer à la botanique. Discipline que je ne maîtrisais que brièvement, de par mes souvenirs académiques. Bien que je ne dispose que de très peu d’amis - foutus blocages psychologiques - je me sentais relativement en confiance avec Fraser pour ravaler mon orgueil et venir lui demander de l’aide. Je n’avais pas besoin d’entrer dans les détails, si ?
Trop tard pour reculer. Et inventer une excuse pour expliquer ma venue ne serait pas pertinent. Même si je pourrais insinuer être venu juste pour prendre des nouvelles. Je ne faisais jamais ça. La chose serait trop étrange.
“Un simple rat de bibliothèque, curieux de découvrir un peu la lumière du jour.”, raillais-je avec une ironique qui m’était caractéristique, avant d’apparaître devant lui.
Sale.
C’était le premier mot qui m’était venu.
Mysophobie oblige. Toutes les informations terreuses présentes sur ses vêtements s'étaient imprimées dans ma rétine. Une chance que je porte des gants, des fois qu’il ait la merveille idée inouïe de me serrer la main en guise de salutations !
“Plus sérieusement. J’ai besoin de l’avis d’un professionnel en botanique pour une cause assez personnelle. Je compte sur ta discrétion.”
Il savait que ses plantes et ma magie ne faisaient pas bon ménage, alors inutile de me tester.